ENIVRE DE SAVOIR
(Ebrius est scire)
Sur les
bancs de l’école, où s’écaillait ma vie,
Livres et
cahiers parfumaient en l’absence
Du savoir
mien, les mornes exigences
Dont s’attife
le fat… si la folie survit.
J’écoutais
ânonner les serfs privés de liberté,
Pérorer les
plus sages, aux doctes connaissances
D’un
troublant magistère dont l’enfance
Subit les
généreuses foudres… ce, à satiété.
En haillons
d’écolier féru d’imaginaire, j’errais
En des
méandres à nul autre pareils…
Je rivais à
des mots éclatés sous la treille,
L’uvale lie au noueux pampre de cette forêt
Dont s’enorgueillie
le condisciple bagué
D’itératives
règles… se peut-il, en ces ires,
Dételer du
réel ; voir pousser, sans le dire,
Des semences, par d’autres, irriguées ?
J’ai fait
ce que j’ai pu pour résonner mon double,
Pour enclore
du rêve le sabir trop bavard…
De ce feu
volontaire, ces ignifuges dards
Me perforant
l’idoine, quand l’ivresse me trouble,
Emanent des
vapeurs encellulées de gêne…
Pourquoi n’ai-je
point eu la science abordable ;
Que me
fallait-il donc pour m’asseoir à la table
Des multiplications
refoulées de mes gènes ?
J’avais peur
d’avancer sur ces bermes pentues ;
Je me
voyais sombrer au fond du précipice…
Aux larmes
qui m’empalent, en d’autres auspices,
Je dédie ma
faconde de rhéteur essoufflé, obtus,
Quant aux siennes
componctions ; j’eusse aimé,
En ce deuil
inavoué, revenir en arrière…
Voir des
ombres floutées la nuisible ornière
Dressée en
paravent, pour au soir, empaumer
La rogue d’autosuffisance :
cet hotu dégarni,
Aux heures appréciées
de la gent pontifiante,
Celle qui _
en amblyope _ dope, confiante,
Hélas !
sa primale vertu élevée hors du nid
Où piaille
la couvée (dont je fus) sinistrée,
Isolée en
de vains paradigmes de conjugaison
Entoilée de
disgrâces, aux riches lunaisons :
Vrai langage,
ou babil, déportés du slang calamistré.
L’école fronçait
de mon désir d’apprendre,
L’inusable
bâti… elle traduisait mes peurs,
Mes proches
déshérences, ma fatale torpeur ;
Tel un
anachorète, je me voulais surprendre
Au seuil
des solitudes : Ermite pusillanime
Aux tâtons
d’un espace empierré d’illusoires
Faillites,
en entête d’un vieux pli dimissoire,
Projeté d’édits
se voulant magnanimes.
La fadeur
des récrés, les comptines sucrées,
Ont profané
mes joies de craintif aspirant
Sis au
faîte d’alpestres monts ; conjurant
Le malheur lorsqu’il
crisse en craie.
De mon
vocabulaire de marmot effaré,
Pointaient
des borborygmes toujours prêts
A éclore de
la puérilité : impudiques apprêts
Du sarcasme
buté d’un corps désemparé.
La belle
communale que j’ai jadis aimée,
M’a
toujours mis au banc des cancres incivils,
Des cossards
indignes, des plus vils ;
Moi qui ne
suis que douceur au fusain arrimé
A l’étoupe
d’un aquafortiste… moi, cet assidu
Potache en
quête de découvertes : enfant
Soupirant au
frêle conceptacle d’olifants
Aux claires
poussées… telle la main tendue.
Pourquoi me
laissiez-vous, censeurs équilibristes,
Vous rejoindre
sur le fil de la déconvenue ?
Pourquoi fîtes-vous,
à mon cœur ingénu,
Evasives promesses ?
que ne serais-je libre,
Pour pleurer
sur d’autres épaules, la dureté
De mots
vitriolés de haine, et que, malgré
La tutelle
de votre acharnement, l’engrais
De votre tacle
fit pousser, sevré de pureté,
De miasmatiques
bribes à mon esprit défait,
D’infimes
corpuscules en mes yeux vitreux ;
Pourtant,
je vous garde en mes soupirs ocreux,
Quelque reconnaissance…
c’est un fait !
Pédagogues des jours en berne, ma tendresse
Vous accorde
satisfécit ! Je vous aime ;
Vous demeurez
pour moi, au petit matin blême,
De
vaillants précepteurs au for de la détresse.
Armand
Mando ESPARTERO© copyright 2023