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mercredi 17 mai 2023

ENIVRE DE SAVOIR (Ebrius est scire)

 

ENIVRE DE SAVOIR 

(Ebrius est scire)


Sur les bancs de l’école, où s’écaillait ma vie,

Livres et cahiers parfumaient en l’absence

Du savoir mien, les mornes exigences

Dont s’attife le fat… si la folie survit.

 

J’écoutais ânonner les serfs privés de liberté,

Pérorer les plus sages, aux doctes connaissances

D’un troublant magistère dont l’enfance

Subit les généreuses foudres… ce, à satiété.

 

En haillons d’écolier féru d’imaginaire, j’errais

En des méandres à nul autre pareils…

Je rivais à des mots éclatés sous la treille,

L’uvale lie au noueux pampre de cette forêt

 

Dont s’enorgueillie le condisciple bagué

D’itératives règles… se peut-il, en ces ires,

Dételer du réel ; voir pousser, sans le dire,

Des semences, par d’autres, irriguées ?

 

J’ai fait ce que j’ai pu pour résonner mon double,

Pour enclore du rêve le sabir trop bavard…

De ce feu volontaire, ces ignifuges dards

Me perforant l’idoine, quand l’ivresse me trouble,

 

Emanent des vapeurs encellulées de gêne…

Pourquoi n’ai-je point eu la science abordable ;

Que me fallait-il donc pour m’asseoir à la table

Des multiplications refoulées de mes gènes ?

 

J’avais peur d’avancer sur ces bermes pentues ;

Je me voyais sombrer au fond du précipice…

Aux larmes qui m’empalent, en d’autres auspices,

Je dédie ma faconde de rhéteur essoufflé, obtus,

 

Quant aux siennes componctions ; j’eusse aimé,

En ce deuil inavoué, revenir en arrière…

Voir des ombres floutées la nuisible ornière

Dressée en paravent, pour au soir, empaumer

 

La rogue d’autosuffisance : cet hotu dégarni,

Aux heures appréciées de la gent pontifiante,

Celle qui _ en amblyope _ dope, confiante,

Hélas ! sa primale vertu élevée hors du nid

 

Où piaille la couvée (dont je fus) sinistrée,

Isolée en de vains paradigmes de conjugaison

Entoilée de disgrâces, aux riches lunaisons :

Vrai langage, ou babil, déportés du slang calamistré.

 

L’école fronçait de mon désir d’apprendre,

L’inusable bâti… elle traduisait mes peurs,

Mes proches déshérences, ma fatale torpeur ;

Tel un anachorète, je me voulais surprendre

 

Au seuil des solitudes : Ermite pusillanime

Aux tâtons d’un espace empierré d’illusoires

Faillites, en entête d’un vieux pli dimissoire,

Projeté d’édits se voulant magnanimes.

 

La fadeur des récrés, les comptines sucrées,

Ont profané mes joies de craintif aspirant

Sis au faîte d’alpestres monts ; conjurant

Le malheur lorsqu’il crisse en craie.

 

De mon vocabulaire de marmot effaré,

Pointaient des borborygmes toujours prêts

A éclore de la puérilité : impudiques apprêts

Du sarcasme buté d’un corps désemparé.

 

La belle communale que j’ai jadis aimée,

M’a toujours mis au banc des cancres incivils,

Des cossards indignes, des plus vils ;

Moi qui ne suis que douceur au fusain arrimé

 

A l’étoupe d’un aquafortiste… moi, cet assidu

Potache en quête de découvertes : enfant

Soupirant au frêle conceptacle d’olifants

Aux claires poussées… telle la main tendue.

 

Pourquoi me laissiez-vous, censeurs équilibristes,

Vous rejoindre sur le fil de la déconvenue ?

Pourquoi fîtes-vous, à mon cœur ingénu,

Evasives promesses ? que ne serais-je libre,

 

Pour pleurer sur d’autres épaules, la dureté

De mots vitriolés de haine, et que, malgré

La tutelle de votre acharnement, l’engrais

De votre tacle fit pousser, sevré de pureté,

 

De miasmatiques bribes à mon esprit défait,

D’infimes corpuscules en mes yeux vitreux ;

Pourtant, je vous garde en mes soupirs ocreux,

Quelque reconnaissance… c’est un fait !

 

Pédagogues des jours en berne, ma tendresse

Vous accorde satisfécit ! Je vous aime ;

Vous demeurez pour moi, au petit matin blême,

De vaillants précepteurs au for de la détresse.

  

Armand Mando ESPARTERO© copyright 2023