POETES, VOYEZ-VOS SEMBLABLES
Poètes, écoutez la pluie sur les carreaux,
Ses humides ridules, ses ondulantes larmes !
Triste, le détenu derrière les barreaux ;
La camérière usant de tous ses charmes,
Aimerait le guider, quand point la solitude,
Mais le prisonnier sait déconstruire ses rêves,
S'offrir un sang neuf, quand s’évente sa sève ;
Sa geôle est un carcan en sa décrépitude ;
Poètes, offrez-lui d’élégiaques tons
Riches d’amour, vagabondages, allégresse !
Faites-lui voir la vie dont le cœur fait ivresse,
Au printemps ignoré du pauvre griveton
Planté sous la guérite, oublié des siens… seul,
Seul, comme vous poète, abandonné, raillé
De la gent ignorante, celle qu’on voit bâiller
Quand la mort revêt l’ignare d’un linceul.
Poète, il fait soleil sur vos rimes trop blêmes ;
Le temps n’a plus d’emprises sur la douce folie
Berçant les amoureux au creux du même lit ;
Souvent les infidèles se drapent d'anathèmes ;
La vanité des sages est un long corridor ;
S'y’accotent rires permanents et cris
De vaincus éblouis de l’aura d'écrits
Niés du pontifiant, qui, en conquistador,
Triomphe de l’angoisse, se targue aux décans,
D’armer encor de rumeurs la science,
Les mâles blessés, en pleine déficience,
Accordent, pragmatiques, parfois, en suffocant,
Crédit aux vieux chimistes : tristes morticoles,
Schweitzer au rabais, allergiques au Vital…
Poètes, laissez-les, en cette impéritie, boire
Du long fleuve du sot, la spumescente bave !
Il n’est de la faconde, nul son, nulle octave
Qui vaille en la resucée, ennoblir l’histoire.
Du bis repetita, aux rétives confidences
D’amantes esseulées, pouvez, chers poètes,
Ménestrels, trouvères, peut-être anachorètes :
Musiciens de l’âme, coryphée d’ascendance…
POURRIEZ-VOUS, dis-je
Retoucher le tableau d’un Rubens amoureux,
Le galbe plein de reines sans vertu, ces louves
Aguichantes que les monarques couvent,
Avant de les percer d’un coït douloureux ?
Armand Mando ESPARTERO© copyright 2021