AU MAL DE VEXANTS MOTS…
Je t’ai cherchée, inquiet (…) achevant du désir
imprimé en mon âme, la pâleur des matins, la froideur des passants
Qui semblent amochés par d’inusables nuits, de trop
fuyantes heures, quand les yeux admonestent des lunes qui fuient, la troublante
lueur du temps sans évidence…
Il me semble parfois, aux rêves qui s’éteignent,
que ton ombre déplisse de mes vieux souvenirs, le parfum des premières
rencontres, la fragrance des sourires complices, l’impatience dont font montre
les mains se voulant rapprocher… pourquoi n’ai -je point vu s’arc-bouter en ces
peines nos profils disjoints, nos silhouettes devenues de fuyantes esquisses
chues d’un vieux chevalet en une impasse grise !
J’ai pris_ sans te le dire_ avant de te pleurer,
les ruelles glacées de la ville où s’écaillent en des soirs imprécis, les mots
de ces amants enivrés de mensonges, grisés de faux serments, ces perceptibles
mues qui de la lèvre, aux mots, écalent l’impudence, sans la jamais défaire de l’horrible
carcan du précieux retenir (…)
Je n’ai pas su calmer du grondement des peines
entenaillant ma joie, le tumulte, car de ma soif d’aimer à cette retenue, mes
besoins firent don de la vraie déshérence (celle que les poètes dépossédés du
verbe, accusent de trahir l’inoffensive plume d’ordalies peu sages) … se
peut-il qu’en ces flous, s’épanouisse mon style !
Il pleut à ma fenêtre… les soleils ont boudé de
l’affect mien
Les moindres pulsations… enguenillé d’immodestes
vertus, je piste du raisonnable, avec parcimonie, les traverses butées de vies
emporte-pièces, de destins harnachés d’un horrible licol… où es-tu, que
fais-tu ?
Pourquoi dois-je pleurer ces matins de cendre… qui
t’a fait odalisque d’un trop lointain harem, que je ne puis _ moi, inutile ilote
du vide en sa constance_ approcher de mes lèvres, frôler de ton sourire les
premières ridules, boire à ta source bleue, la diaphane lie !
Tu m’as laissé croupir, encavé de blandices…
l’empreinte de mon double fait la nique au plaisir, le sceau de ma peau blême
disparaît sous l’épave d’un vieux marigot où croupissent les larmes de ma
thébaïde… je suis seul, je vis seul entre les colonnades de mon lit
d’infortune… je me drape d’envies pour pallier au manque dont l’infortune
encloue en de longs parchemins, l’idéal… et ce, à moindre coût…
Les femmes m’ont sevré du sein de la
jouissance ; elles m’ont mis au ban des graveleux conscrits, moi qui ne
suis que peine, indulgence, attention ; moi qui ne suis_ accoutré
De regrets_ que l’espace de l’espèce, l’Ether au
point du jour, l’intervalle goulu où paissent les planètes !
Je te cherche, sans craindre du devenir l’insolente
mouture ; as-tu pris ton envol avant de t’évanouir au tertre de mes nuits
blanches ?
T’en souvient-il ? nous foulions jadis, sur
les bords de la Seine, les crantages ridant de la margelle, d’anonymes
pavés ; nous riions de ces couples guindés rentrant quand point matin, et
qui de l’insomnie perçaient en de douteux accords, le cylindre trop froid…
Tu avais l’élégance des filles qui en s’offrant,
accusaient le bonheur d’en faire toujours trop… tu rythmais de tes pas
cadencés, l’épaisse cosse de tes soupirs latents, le bâti de fièvres que la
bise agrémente de rictus affectés, et qui de
L’intactile offrande, pénètre les geignements vite
éclos…
Mon corps déracinait du souffle animal, l’ahanante
coulée ;
Qu’y pouvions-nous faire, nous les énamourés
scellés aux mêmes rêves (!?) ma garçonnière, à deux pas de Cluny ressemblait
aux entrailles de ces monastères où les rais chauds s’aiguisent pour mieux
percer de l’ambre l’efficace substance… tu savais que nos jeux interdits
donneraient ton à mes primes badines ; j’ignorais de tes vingt ans de
femme la rétive étrenne.
Que n’aurais donné pour fixer au col du
palimpseste, la douceur de l’instant, ce troublant parhélie !
Ta peau avait le goût des frissons égrenés, des
notes posées
Aux dents du clavecin, de l’enfantine moue des
rosières charmées de la folle hardiesse du fier céladon…
Entre rires et pleurs, nous consommions du
délictueux breuvage, en de justes lampées, l’éphémère nard de la volupté…
Les heures qu’il m’en souvienne garrotaient de la
peur la puissante âpreté, celle que les novices posent en badigeon sur
l’esquisse mouillée de la désaffection…
Je n’étais qu’un enfant perdu en la marelle d’un
vif accouplement ; éparpillées mes lunes n’avaient d’escales que le râle
buté d’une douce étreinte parfumée de plaisirs et d’ouateuses volutes
ennuageant la chambre de cicatricules
Emmargées de la sueur de fautives plissures, au
faîte de l’irréparable (…)
Vidé de mes pensées, mon trop-plein d’entrailles,
j’édulcore du passé le fiel de remembrance ; mes clichés sont des flous au
socle d’artefacts, des brumes déportées de la nue cotonneuse, d’ides poncées de
la matutinale emperlée de rosée….
Si je voulais atteindre de nos lointaines cimes, en
un matin crayeux, le salvateur piton, délesté de mes ailes, le frileux
tourbillon de l’existence tierce dégoterait mon cœur avant de l’estourbir de
brocards et de piques pour le moins délétères. Ne serais plus que moi :
inutile jocrisse d’un poussif rigaudon dont Lully tallerait les anamorphes
spires.
A ma fenêtre se noient de fades gouttelettes,
d’infimes flux de bruines ; j’en aspire en mélancolique aède, l’implexe
chimie, le schème d’apparence…
Les femmes qui traversent ma tenace bohème te
ressemblent et m’inquiètent ; elles pourraient offrir en un oratorio
superbe, de nouvelles portées à mes notes bridées, afin du dizygote décélérer
la futile manœuvre, cependant que mortes, demeurent mes lubies, mes nocifs errements
en d’assassines rondes de menuets compliqués, de bouffonnes escrimes dont
Rivarol encloue le quolibet en pirouettes dociles, en de fins codicilles… ces
subtiles lézardes défigurent mes songes ; elles donnent à mon désir des
rogues avortés…
Ces pontifiantes crues se déversent sans fin en
l’estuaire de mon mal…
As-tu de l’amour vrai su puiser contenance ?
le présent fait-il confessions de nos noces d’hier, nos intenses
brûlures ?
Se peut-il vrai ce désengagement ? aurais-je
de la mise bafouer le sixain ?
Tant d’épreuves m’enserrent (…) je nourris en mon
sein, avant que de me perdre, les piètres rogatons, les piteuses fêlures de mon
deuil de laptot : ces grotesques livrées au revers de l’oubli… je navigue
à vue au centre de nulle-part… mes envies en déclin résistent à fonds de cale…
accorde-moi audience ! …
Me ferai factotum pour supplicier de la rouge
béance cet écartèlement… penché sur ta voilure, je saurai confisquer du sang de
tes folies les précieuses gangues de la désaffection, même s’il m’en coûte de
traire de l’audace, les replètes tétines ; de mes lendemains s’écouleront
sûrement, appauvries du seyant, les eaux plates de l’âme, le lavis du cœur sur
la toile pincée de reflexes agioteurs : indispensable richesse d’un
frondeur lovelace, et que je ne suis pas…
La prose qui m’anime te fera connaître de mes
clairs sentiments la nouvelle arabesque, la précieuse rosace.
Armand Mando ESPARTERO© copyright 2022